L’histoire de Saint-Léonard – La seconde Guerre Mondiale

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1938. Depuis les histoires de la Sarre, l’affaire de Munich, l’horizon était bien sombre. Il devint de plus en plus noir avec l’arrivée d’Hitler au pouvoir, l’arrivée des juifs sarrois fuyant leur pays et ce qu’ils disaient des camps de concentration. Puis ce fut une mobilisation pour rien. Ce n’était qu’une trêve.

1939. Fin août nouvelle mobilisation. Nous voyons arriver sur nos routes des camions lourdement chargés, les populations de Strasbourg et des environs sont évacuées vers l’intérieur de la France. C’est la guerre, une drôle de guerre, derrière la ligne Maginot. L’automne et l’hiver passent dans l’attente. Le 10 mai 1940 les Allemands envahissent la Belgique, la Hollande et le Luxembourg, la Ligne Maginot contournée par le Nord. Nos armées écrasées, Dunkerque, les Allemands sur la Somme et à Paris.
Les derniers Vosgiens mobilisés passent en gare de Saint-Léonard pour rejoindre Dijon. Ils n’iront pas plus loin que Bruyères. Quelques-uns iront jusqu’à Vesoul et Belfort et Dôle. Partout ils y trouveront les Allemands arrivés avant eux.

Le 21 et 22 juin le flot allemand, motos, tanks, infanterie, artillerie traverse notre village sans combat et se dirige vers Saint-Dié. Quelques éléments français se sont retirés vers la Bellegoutte et la forêt de Maudramont. Ils seront capturés après une résistance acharnée. Le 18 juin appel du général De Gaulle. Une lueur ! A partir du 22 juin, sur notre rouie RN 415, c’est le douloureux spectacle des longues files de prisonniers remontant la vallée, direction Colmar. La file s’allonge sur trente kilomètres, encadrée par des sentinelles et suivie d’un immense butin de guerre.

Le 26 juin, on apprend la signature de l’armistice. Des affiches à la mairie pour les dépôts d’armes et d’approvisionnement, des cantonnements de courte durée. Des uniformes vert de gris partout. Et cela va durer quatre ans. Quatre longues années, avec les restrictions, les tickets de rationnement, les réquisitions, la déportation des juifs. La Gestapo et les hommes derrière les barbelés. La France coupée en deux.

Nous dans ce coin des Vosges, nous sommes zone rouge. On parle de nous rattacher au Gauleiter de Belgique. Des bruits courent : « Une partie de la population serait transférée en Allemagne de l’Est ?. Dès 1941 on commence à organiser des noyaux de résistance. En 1943 la région de Saint-Dié avait le groupe III sous les ordres du capitaine Vallet pasteur protestant. Arrêté en 1944 il fut fusillé, son adjoint le capitaine Goguel arrêté lui aussi est déporté, Saint-Léonard a formé quatre sections rattachées à Saulcy, pour commandant le capitaine Panin qui sera arrêté et mourra en déportation. Le 1er septembre un message de la BBC : « L’âme de Solange est immortelle », annonçait un parachutage massif sur le plateau de Fouchifol, par trente-six avions anglais. Le temps bas et pluvieux ne le permit pas. Les maquisards qui l’attendaient furent cernés le 4 septembre par les Allemands. Ils réussirent à se dégager, deux seulement furent pris et pendus aussitôt. Les Allemands eurent trente tués. Ils incendièrent le hameau.

Le 27 mai 1944, au-dessus de Saint-Léonard un violent combat d’aviation : la lutte dure une heure. Sept appareils en flammes, deux sont tombés à Contramoulin (deux Allemands), pas de survivants.

Le 6 juin débarquement en Normandie. L’espoir renaît.
Le 5 juin la veille, le maquis de Corcieux était passé à l’attaque, l’affaire s’est mal terminée. En tout quarante-sept seront tués ou fusillés. Déportation des habitants : les 2/3 ne reviendront pas. C’est la chasse à l’homme. Deux fuyards ont réussi à gagner la forêt et arrivent à Saint-Léonard : ils seront capturés, torturés et fusillés face à l’hôtel du Saumon. L’un était de la Houssière, l’autre de Bretagne. Un monument rue de la Gare rappelle leur martyr.

Le 23 août Paris libéré. Les Allemands commencent à refluer vers l’Est et reviennent cantonnés dans nos villages. Ils commencent des travaux de fortifications. Dans l’après midi, un train de jeunesses hitlériennes est mitraillé entre Saulcy et Saint-Léonard par un avion anglais, volant en rase motte causant de nombreux morts et blessés, dont un civil à Saulcy et, une ferme atteinte par une balle incendiaire flambera comme une torche.

Le 9 septembre un convoi allemand de vingt wagons transportant des chars, des munitions, du carburant et des camions quitte la gare de Saint-Léonard. Il est repéré par des avions alliés, il est aussitôt mitraillé. La locomotive touchée s’est arrêtée. Des flammes rabattues par le vent s’échappent du centre du train où étaient les carburants et va gagner les munitions. Ne pouvant éteindre le feu, les convoyeurs allemands décrochent les wagons et les laissent aller à la dérive, sur les recommandations des cheminots. En effet, les cheminots se doutent alors de l’issue fatale du convoi. La gare de Saint-Léonard les laisse passer, ils iront s’écraser en gare de Saint-Dié dans un épouvantable fracas. On a jamais su le nombre de morts ! La gare de Saint-Dié fut fermée pendant quatre jours, le temps nécessaire pour déblayer avec quatre grues venue de Karisruhe.

Depuis le 29 septembre, les Américains sont à Epinal, Remiremont et Bruyères, on entend le canon. Les Allemands retirent tout leur matériel.

Le 10 Octobre un convoi de camions allemands est mitraillé devant le cimetière de Saint-Léonard. Ils contenaient quarante millions de billets de banque raflés à la Banque de France. Le papier s’envole en fumée, quantité de pièces sont fondues sur la chaussée. On a retrouvé quelques billets envolés dans les champs. Le couvre-feu est à sept heures.

Le 19 septembre, les Allemands demandent des volontaires pour creuser des tranchées. Comme il y en a trop peu, ils réquisitionnent les hommes de dix-neuf à soixante ans, et, quand il le faut, les femmes, comme à Entre-Deux-Eaux. La Kommandantur s’est installée à Mardichamp ! Le front se rapproche.

Le 1er novembre les Allemands détruisent les installations de la gare, enlèvent les rails et les traverses, dynamitent le château-d’eau, le poste d’aiguillage. On les sent aux abois. Ils réquisitionnent toutes les voitures, les bicyclettes, les bestiaux, les pommes de terre, ils pillent les papeteries d’Anould. Nous sommes très inquiets.
Un nommé Niglis, interprète à la Kommandantur, avait fait courir le bruit de la déportation des hommes. Cette rumeur fut démentie. Le 7 novembre ils exigent qu’on leur conduise cent vingts têtes de bétail au village du Bonhomme. Une course de quarante kilomètres.

Le 8 novembre, il neige. A sept heures du matin trente camions cernent le village, rassemblement pour le travail quotidien. Mais chaque maison est fouillée et tous les hommes de seize à cinquante-cinq ans sont parqués dans la cour de l’hôtel du Saumon. Sont seulement retenus les moins de quarante-neuf ans. Ils sont cent trois. En colonne ils prennent la direction du Col du Bonhomme. En cours de route ils sont rejoints par ceux d’Anould, Clefcy et Ban-sur-Meurthe. Enfermés dans une usine à Plainfaing, ils repartent le lendemain via Kaysersberg et la vallée du Neckar. Il neige à gros flocons, beaucoup sont en sabots, sans vivres et sans vêtements chauds.

L’église, monument aux morts (novembre 1944)

Le lendemain dès huit heures, ordre d’évacuer le village avant midi ! Direction Corcieux par le Col du Plafond, et c’est l’exode avec de pauvres bagages, juste ce que l’on peut porter comme trois siècles en arrière.
Corcieux accueille tous les réfugiés de : Saulcy, Saint-Léonard, Anould, Clefcy, Ban-sur-Meurthe, pas pour longtemps. Six jours après, Corcieux reçoit l’ordre d’évacuation. Il faut repartir un peu plus loin. Les chemins sont minés, il neige, et les Américains bombardent les routes. Des personnes âgées et malades moururent faute de soins et de médicaments. D’autres furent tuées, d’autres sautèrent sur les mines. Tous les villages évacués ainsi que Saint-Dié brûlaient après avoir été pillés. Notre village fut dynamité et brûlé le 10 novembre. Cela dura six jours. Le 22 novembre le village était libéré. Il ne restait que des tas de pierres noircies. En janvier 1945 cent soixante-huit maisons détruites à 100%. Cent soixante-dix habitants vivant dans les ruines. Six cent vingts sinistrés, le hameau de Vanémont distant de sept kilomètres de l’autre côté de la forêt avait échappé au carnage.

Il fallait de nouveau tout recommencer, mais ceci est une autre et longue histoire qui durera plus de dix ans.